Une fille dans une job de « gars », pourquoi pas ?

Mesdames! Saviez-vous qu’il existe plus de 500 métiers au Québec et que, parmi ceux-ci, 251 professions sont dites non traditionnelles pour les femmes ? Et oui ! On dit d’un métier qu’il est traditionnellement masculin – ou non traditionnel – s’il est exercé par moins de 33 % de femmes.

Les idées préconçues

Lorsque l’on pose la question « Quels métiers traditionnellement masculins pouvez-vous nommer ? », la majorité des gens répondent pompier, policier, charpentier, électricien…

De plus, lorsque l’on demande pourquoi, selon eux, si peu de femmes exercent des métiers non traditionnels, la réponse qui revient le plus souvent est : « parce qu’elles n’ont pas la même force physique que les hommes ! »

Mais, est-il vrai que les métiers traditionnellement masculins ont tous une exigence élevée de force physique ? Voyons un peu ce qu’il en est !

Démystifier les métiers non traditionnellement féminins

Ingénieure métallurgique, programmeuse-développeuse, conductrice d’autobus, huissière de justice, conductrice d’engins de chantier, pilote d’avion et physicienne font partie des métiers non traditionnellement féminins. Pourtant, aucun d’entre eux ne nécessitent une bonne condition physique ou d’utiliser la force pour bien réussir dans son travail.

Les mathématiques vous passionnent ? Vous avez un esprit logique ? Vous êtes une férue d’informatique ? Peut-être que le travail de programmeuse-développeuse web est fait pour vous. Vous aimez être dehors ? Vous êtes manuelle? Pourquoi pas un des 32 métiers et occupations du secteur de la construction. Il y a des métiers non traditionnels dans tous les secteurs d’activités (services, arts et loisirs, affaires et administration, etc.). Il y a également des métiers non traditionnels dans tous les niveaux d’enseignements (semi-spécialisé, professionnel, collégial et universitaire).

Témoignage

Aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre, l’industrie du camionnage tente une petite révolution pour que la proportion de femmes derrière le volant passe de 4 % à 10 % :

La semaine de travail de Nancy Galarneau, conductrice de 50 ans, seule aux commandes d’un semi-remorque de 53 pieds, sera composée de trois allers-retours vers les États-Unis. « Je n’ai pas le temps de retourner chez moi : c’est la course contre la montre », explique-t-elle en remplissant un petit réfrigérateur de repas pour les cinq prochains jours. Fruits, fromage cottage, blancs d’œufs : la camionneuse mange léger, car elle veut rester concentrée pendant les 11 heures qu’elle passera assise à dompter la route. Ses heures de sommeil, de leur côté, se feront sur la couchette située derrière le siège de son camion, le plus souvent dans le stationnement d’une aire de repos.

Avant de faire sa ronde de sécurité et d’attacher sa remorque remplie de papier, Mme Galarneau raconte qu’elle était auparavant designer d’intérieur, puis coach en image. Son travail, c’était « d’aider les gens avec leur apparence, leur démarche, leur façon de prendre la parole en public », raconte-t-elle.

Quand l’insécurité du travail autonome a commencé à lui peser, elle s’est intéressée au métier de camionneuse puisqu’elle a toujours aimé voyager et conduire. Mais elle avait quelques appréhensions à propos de l’accueil qui était réservé aux femmes dans ce monde très masculin. « Je me suis informée auprès de plusieurs personnes que je connaissais, qui m’ont dit qu’il y avait plusieurs femmes camionneuses et heureuses de l’être. Ça m’a rassurée », dit-elle.

Elle a donc décroché un diplôme d’études professionnelles (DEP) en transport par camion en janvier 2020. Et elle ne le regrette pas. « J’ai l’impression de partir en vacances, de faire du camping avec le véhicule fourni, le gaz fourni et en étant payée. »

Derrière le volant de son mastodonte, elle est à l’aise, mais alerte. Les conditions de travail ne sont toujours faciles. Selon elle, 90 % des camionneurs sont « super fins », mais 10 % sont « irrespectueux envers les femmes ». Ces derniers ne se gênent pas pour lui envoyer des baisers sur la route, la filmer et même la suivre. « Il faut éduquer les hommes », croit-elle. Les horaires ne conviennent pas à tout le monde non plus. « Je n’aurais jamais pu faire ce métier quand mon fils était enfant, note-t-elle. Tu ne sais jamais à quelle heure tu vas arriver le soir. »

« Dans notre entreprise, une dame est venue rencontrer les conductrices et les conducteurs pour avoir leur vision de la réalité d’une femme camionneuse, pour savoir comment elles se sentent et pour trouver des mesures pour améliorer leur bien-être ». Ces mesures peuvent notamment prendre la forme d’une meilleure conciliation travail-famille, de l’adaptation de certains équipements et d’un jumelage avec d’autres femmes, dit-elle. Elle ne sait pas combien de temps elle restera camionneuse, mais elle veut encourager les femmes à se lancer dans l’aventure.

Opération charme

L’Association du camionnage du Québec (ACQ) est consciente des éléments qui peuvent rebuter les femmes dans le milieu. Or, les entreprises ont besoin d’elles pour pourvoir les 18 000 postes de conducteur actuellement disponibles.

La pénurie a grandement incité l’industrie à agir avant même l’arrivée de la COVID-19. Le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’industrie du transport routier (Camo-route), auquel participe l’ACQ, a lancé la vaste opération « Conductrices de camion : objectif 10 % ». Cela inclut d’une part une offensive de relations publiques — de la publicité sur les réseaux sociaux, des visites dans les écoles, des événements « camion rose » —, et d’autre part l’accompagnement d’entreprises dans l’adaptation de leurs pratiques aux besoins des femmes.

Source : « Quand la pénurie de main-d’œuvre fait avancer la cause des femmes’’; Le Devoir, Roxane Léouzon, 6 octobre 2021.; https://www.ledevoir.com/economie/638181/un-feminisme-profitable-quand-la-penurie-de-main-d-oeuvre-fait-avancer-la-cause-des-femmes

Bernadette